Y’a quelqu’un?
Pour un accès inconditionnel aux droits en présentiel.

Y’a quelqu’un?
La distance entre les humains pendant la crise sanitaire devait servir à protéger les humains d’un virus mortel. Quand la distance entre les humains s’inscrit sur la durée et devient structurelle, elle abime une partie de ceux-ci en réduisant l’accès à leurs droits. C’est un fait, plusieurs services d’intérêt général et services publics maintiennent leur système d’accueil sur rendez-vous, par téléphone ou par internet. Les guichets ont tendance aussi à disparaitre. Tout ceci remplaçant progressivement les rencontres entre des êtres humains et la notion d’accueil inconditionnel. Nous l’observons, cette manière d’entrer en relation plus restreinte et/ou plus conditionnée complexifie incontestablement les missions de ces services à savoir l’accès à l’information, aux conseils voire à l’accompagnement social d’une partie la population.
Par ailleurs, les nouveaux dispositifs d’information, de prise de contact, de rendez-vous s’orientent massivement vers un mode de communication unimodal, le digital.
Ce processus enclenché avant le Covid et accéléré pendant la crise sanitaire apparait comme le plus logique, telle une évolution naturelle, la seule qui puisse répondre aux défis de notre époque contemporaine.
Pourtant…
Force est de constater que la fracture numérique est toujours une réalité. 46 % des belges sont en vulnérabilité numérique. Force est de constater que moins de relations d’humain à humain, c’est moins de
possibilités d’échanges qui permettent de saisir les nuances de ce qui s’exprime. Cela peut amener à des quiproquos voire à une incompréhension réciproque. Notons également que la digitalisation des services d’intérêt général rend certaines personnes dépendantes de leur entourage et/ou des professionnels du social. Privilégier un seul mode de communication, le numérique, c’est donc prendre le risque de nuire à la qualité du service à la personne et à son accompagnement social et donc de glisser dangereusement vers une perte d’accès aux droits voire une aggravation de la situation sociale de toute une partie de la population.
Oui mais…
Des alternatives existent, oui… Il est encore possible d’obtenir un rendez-vous avec un.e assistant.e social.e. Il est encore possible d’obtenir un document de la mutuelle par courrier. Il est encore possible de
rencontrer son coach d’orientation socioprofessionnelle en vrai. Des guichets pour un premier accueil persistent.
Oui mais… Tout d’abord, ces alternatives n’existent pas partout. Et quand elles existent, il faut généralement pouvoir démontrer sa propre incapacité à faire avec ce mode de communication privilégié qu’est le digital. Il faut pouvoir démontrer la non-maitrise de ces outils. Il faut pouvoir prouver son niveau de scolarité peu élevé, justifier son handicap ou encore démontrer sa mauvaise maitrise de la langue française… Si ces alternatives ont le mérite d’exister, elles amènent généralement leurs bénéficiaires à se placer dans une posture de « défaillant », de « personne incapable » ou encore parfois d’« individu qui ne fait pas l’effort de comprendre ». Selon nous, ceci n’est pas digne d’une société solidaire, équitable qui tient compte de tout le monde. En 2023, un état démocratique et inclusif ne peut consciemment exclure une partie du public en ne mettant pas tout en œuvre pour qu’il existe encore et toujours un accueil facilitant l’accès à l’information et au dialogue. En 2023, un état démocratique et inclusif doit laisser le choix du mode de communication avec les institutions, administrations, dont les missions visent le service à la population et l’intérêt général. En 2023, un état démocratique et inclusif ne peut pas se résoudre à ne maintenir le présentiel que pour les soi-disant « plus défaillants » ou « moins outillés ». Ce n’est pas de l’inclusion. C’est de la discrimination. Nous plaidons pour des « rencontres vraies », celles qui se déroulent nez à nez, face à face. Celles qui rassemblent dans un même espace-temps des êtres humains. Celles qui permettent d’ouvrir un vrai échange en découvrant la complexité de la communication humaine avec ses nuances dans les mots, ses intonations dans les sons et son langage corporel. Celles qui permettent d’accueillir une demande à un moment donné, parce qu’elle se présente à ce moment donné et que la reporter c’est prendre le risque de fragiliser davantage. Les services d’intérêt général et publics sont d’une importance cruciale pour garder le lien et le dialogue avec des personnes qui se sentiront laissées au bord du chemin.
Face à face, nez à nez.
Pour un accès inconditionnel aux droits en présentiel. Ce que nous demandons aux mandataires politiques : De mauvaises habitudes sont en train de se prendre en termes d’outils à destination des citoyens. Nous plaidons pour que les modes de communication, d’accueil, d’accompagnement en présentiel au sein des services : ne soient pas des exceptions ne soient pas discriminantes ne soient pas des alternatives mais des formes de prises de contact légitimes et accessibles sans condition au même titre que les outils numériques. Nous insistons particulièrement sur : La garantie du libre choix des personnes à utiliser le moyen de communication qu’elles souhaitent avec ces services : le numérique si elles sont à l’aise avec l’outil et/ou le présentiel quand c’est préférable quelle qu’en soit la raison. La garantie des moyens nécessaires à cet accueil en présence, face à face, nez à nez qui prend le temps de l’échange.